Matériaux du futur : et si la solution se trouvait dans la nature ?
Réel impact carbone, conservation des produits et recyclabilité… Substituer un emballage biosourcé au plastique n’est pas chose si facile. Décryptage avec Denis Paccaud, directeur innovation de Texen, spécialiste du packaging beauté et Eric Desnoes, chercheur au Centre d’innovation des produits cellulosiques, Innofibre.
On en fait de délicieuses fricassées. Il garnit les burgers végétaliens. Il sert même de wifi carbone aux arbres de la forêt, et compose certains vêtements. Le champignon a désormais un nouveau soupirant, le secteur de l’emballage, soucieux de s’affranchir des matériaux pétro-sourcés. IKEA a ainsi annoncé songer à remplacer ses emballages en polystyrène par un matériau à base de mycélium (soit du blanc de champignon). En Ukraine, deux biochimistes ont imaginé un matériau biodégradable composé de fibres de champignon. En France, des chercheurs de l’INRAE ont réussi à concevoir un caoutchouc naturel et biodégradable à base de peau de tomate – une valorisation donc d’un déchet agricole.
Autrement dit, le plastique n’est plus si « fantastique » quand on ne le recycle pas >. Son cycle de vie est considérable – jusqu’à 500 ans. Il est produit à grands volumes – 460 millions de tonnes selon un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de février 2022. Soumis à une réglementation de plus en plus contraignante (stratégie des 3R), il est considéré comme l’élément – à défaut de pouvoir s’en passer – à réduire à tout prix. Le plastique est mort, vive le mycélium ou le déchet de tomates ? Pas si simple.
L’emballage primaire de produits cosmétique et alimentaire est soumis à des règles de conservation et de santé évidentes. « Ces contraintes imposent que [ces nouveaux matériaux] soient à minima compatibles au contact alimentaire et qu’ils soient sans effet sur le contenu, poursuit Denis Paccaud. Pour l’instant, il n’existe pas de solutions d’emballage qui se passent complètement de plastique. Ainsi, les packagings primaires à base de pâte moulée (papier), de mycélium ou de résidus agricoles, dès lors qu’ils sont en contact direct ou indirect avec le produit, sont dotés d’une barrière, pour l’instant en plastique.
Les PFAS sont des substances per ou poly fluorées dont la durée de vie en fait des polluants éternels et dont la toxicité – pour certains – a été dénoncée en août dernier par une étude de l’ONG Générations futures.
Pour rendre imperméable un emballage biosourcé, « Il existe des alternatives au plastique pétro-sourcé », tempère le chercheur Eric Desnoes. Par exemple, le PLA. « C’est une matière issue de la fermentation de maïs ou de patates. Sa compostabilité reste un défi en conditions industrielles, il n’est pas réellement recyclé par manque d’infrastructures ». Le problème de ce plastique biodégradable et compostable (contrairement au PHA , matière en développement et qui pourrait être dans les verres de boissons à emporter) est que son ACV n’est pas idéal. On vous explique.
« ASV ? » (âge sexe ville), demandaient il n’y a pas si longtemps les adolescents à leur crush numérique. Désormais, on pose une question similaire à une lettre près aux nouveaux matériaux. ACV comme analyse du cycle de vie.
On doit réduire le carbone émis dans l’atmosphère durant leur fabrication et recycler. Ils ne sont certes pas biodégradables, mais si on n’y prend garde, viendront comme les plastiques pétrosourcés alimenter le 6eme continent. La biodégradabilité est une propriété qui fait débat. On ne sait pas si en cours de dégradation, ces bioplastiques ne dégageront pas des substances toxiques et au bout de combien de temps leur dégradation ne présentera plus de risque.
Passé à l’INRAE (les fameux inventeurs d’emballage à base de résidu de tomates), le chercheur Eric Desnoes travaille désormais pour le centre d’innovation des produits cellulosiques, Innofibre. Là, il développe des emballages de pâte moulée, à base de carton donc, un matériau qui a pour vocation de se substituer à la styromousse, cette mousse fine qui entoure la plupart de nos repas à emporter. « La pâte moulée est une industrie mature. A ce jour, nous avons une barrière de prix sur le marché. On estime que ces emballages coûtent entre 7 à 10 fois plus cher que la styromousse ».
En revanche, l’alternative s’avère particulièrement prometteuse : « On est en mesure de recycler et valoriser 90%. Le taux de récupération moyen des papiers/cartons au global est de 70% ». Les 20-30% restants correspondent au fameux film de protection « composé de polyéthylène et d’aluminium » pour assurer que l’emballage soit scellable et stérile. 70 à 80% de la pâte moulée, une fois utilisée ».
On l’a compris, il n’existe à ce jour pas de solution bioinspirée et biosourcée complètement affranchie du plastique. Comme souvent, la meilleure innovation reste… le recyclage. En France, reprend Denis Paccaud, l’entreprise Carbios travaille à un « recyclage enzymatique » des plastiques, nous informe le directeur innovation. « Le dispositif est inspiré d’un processus naturel, celui de la digestion pour faire simple. L’enzyme utilisé agit comme un ciseau pour couper le polymère, récupérer les monomères et permettre de le recycler ».
Une solution pour recycler mais également biodégrader et rendre le plastique « fantastique » ?
Denis Paccaud
Directeur Innovation Texen.