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Législation européenne :
3 scénarios emballage

Exercice de prospective-fiction à horizon 2040 :
Le 22 novembre 2023, le Parlement européen a approuvé le projet de règlement dit « PPWR » sur les emballages et déchets d’emballage. L’objectif ? Obtenir une version de travail solide, destinée à servir de base au trilogue courant jusqu’en janvier 2024. Les objectifs de base, comme envisagé par la Commission européenne, comprenaient une réduction de 5 % des déchets d’emballage par habitant d’ici à 2030 (avec 2018 pour base) et jusqu’à 15 % en 2045, l’interdiction des emballages non recyclables d’ici à 2030. En ligne de mire évidente : la réduction des gaz à effet de serre.

3 scénarios 2040
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D’emblée, on le savait, il s’annonçait presque impossible de concilier les attentes des acteurs de l’emballage avec celles des collectifs en demande de réglementations plus draconiennes, insurgés contre certaines dérogations apportées au texte (plus d’interdiction d’emballages à usage unique pour les fruits et légumes frais ou pour les produits consommés directement sur un lieu de restauration, par exemple). L’hiver 2023-2024 porte très certainement les germes d’une évolution, mais dans quel sens ira-t-elle vraiment dans un horizon de quinze ans ? Voici trois possibilités.

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Scénario 1 :

Le retour de la consigne

Au tournant des années 2030, un nouveau consensus émerge : on a peut-être confondu l’objectif final avec les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. Le Graal, c’est la réduction des gaz à effet de serre. S’il semble logique que les déchets d’emballage y contribuent, usagers, collectifs et industriels en arrivent cependant à cette même conclusion :

Le fantasme du « tout-en-vrac », supposant la disparition pure et simple des emballages – plastiques, en particulier –, est une utopie, que ce soit dans le secteur alimentaire de grande consommation ou, à l’opposé, dans des domaines tels que l’électronique (on ne peut faire l’économie des emballages pour des produits fragiles) ou la beauté (on ne va pas acheter son parfum préféré en tournant un robinet).

 

Alors que 2030 touche à sa fin et que les objectifs de réduction de 5 % des déchets d’emballage par habitant sont revus de moitié, on en vient donc à questionner la notion de déchet : à partir de quand un emballage est-il considéré comme un déchet stricto sensu ? Toute l’astuce, tant sémantique que pratique, consiste ainsi à éliminer les déchets… mais pas les emballages. Le réutilisable, longtemps un serpent de mer, redevient une réalité grâce à la remise au goût du jour d’anciennes pratiques – ou plutôt leur extension. La fameuse « consigne » revient par conséquent en force.

Déjà institutionnelle dans quelques pays européens (dont l’Allemagne, la Finlande, le Danemark ou encore la Lettonie), son utilisation se généralise dans toute l’Union européenne, et pas seulement pour les bouteilles ou le verre. Les fabricants d’emballages cherchent en effet à rendre « consignables » la plupart d’entre eux : un pot de crème antirides ou un flacon de parfum aura donc une deuxième vie une fois vide. À terme, l’objectif est de rendre « rechargeables » 70 % de la masse des emballages vendus dans le commerce. L’opercule d’un paquet de lardons ne pourra pas être réutilisé, mais le contenant, lui, devient consignable. De plus, on développe des polymères capables de s’autoréparer à température ambiante et sans stimulus extérieurs (chaque molécule possède une extrémité négative et une autre positive qui s’attirent pour ressouder la matière).

L’impact pour la grande distribution est de fait important, puisqu’il lui incombe, pour une large part, de mettre en place les infrastructures nécessaires : il semble irréaliste de demander aux consommateurs eux-mêmes de se rendre dans des points de récupération trop éloignés de leurs habitudes de consommation.

À l’approche de 2040, il paraît donc de moins en moins pertinent de raisonner en termes de « déchets d’emballage » : c’est la mesure de production des gaz à effet de serre qui devient l’étalon. Malgré un petit retard pris sur les prévisions idéales de 2030 (52 millions de tonnes de gaz à effet de serre produites, contre 43 millions souhaitées), 2040 redresse la barre, en s’approchant des 35 millions.

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Scénario 2 :

Le mieux est l’ennemi du bien

Dans les années 2020, l’ennemi supposé a un nom : le plastique. D’où la volonté de certains grands utilisateurs d’emballages (on pense aux magasins IKEA) de réfléchir à des solutions alternatives – l’objectif demeurant, in fine, la réduction de ces gaz à effet de serre si étroitement liés aux matières plastiques.

Dès 2029, de nouveaux projets européens mettent l’accent sur la recherche de matériaux nouveaux, beaucoup plus écologiques et plus facilement recyclables que le plastique. Hélas, cette orientation radicale, à court terme du moins, est loin de tenir ses promesses. Le projet de loi de novembre 2023 contenait en effet un point qui, bien que parfaitement légitime, avait incité les acteurs de l’industrie à une grande prudence : le bannissement des substances toxiques comme les PFAS. Or, ces « produits chimiques éternels » (déjà visés par un plan d’action sur quatre ans en France en janvier 2023) avaient mis des décennies à être placés sur la sellette (les premières études datent des années 2000, alors que les PFAS sont massivement présents dans l’industrie depuis les années 1950).

Si, sur le papier, les emballages au mycélium ou à base de peau de tomate semblaient providentiels en 2025, il ne paraît guère envisageable, cinq ans plus tard, de passer à leur usage à grande échelle dans tous les domaines sans avoir éliminé la question de leur toxicité potentielle. Pour des produits destinés à être ingérés ou appliqués sur la peau (cosmétiques, médicaments, etc.), aucune part ne doit être laissée au hasard.

 
Quand vous faites une recette de gâteau, vous mettez de la farine, des œufs, etc. Vous connaissez les ingrédients. Et on sait parfaitement ce qu’on a dans le plastique.
 
Sylvain Costechareyre du Groupe Texen

Conséquence directe : le plastique continue à régner en maître en attendant l’absolution définitive de ces alternatives. Alternatives qui ne sont pas balayées pour autant, mais dont l’horizon d’usage paraît reculer toujours un peu plus, au point qu’on n’évoque plus 2050 que du bout des lèvres. Dans l’intervalle, faute de rupture nette dans les usages ou les technologies (les travaux sur le recyclage enzymatique des plastiques, qui ne sont plus jugés prioritaires, pâtissent d’un manque de moyens), les objectifs établis en 2025 se révèlent difficilement tenables.

Les acteurs de l’emballage, partant du principe que c’est avec ce que l’on maîtrise le mieux que l’on prend le moins de risques, optimisent encore le recyclage et la quantité de plastique utilisée, mais en 2040, les faits sont là : on a dépassé la barre des 220 kg de déchets d’emballage par Européen sur un an. On attend ainsi avec angoisse le verdict final pour les « solutions alternatives ».

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Scénario 3 :

On n’est jamais mieux servi que par soi-même

À la fin des années 2020, le recyclage apparaît comme une piste plus prometteuse pour les emballages que le réemploi, qui repose sur de nouveaux usages jugés trop contraignants pour une majorité d’Européens. Du reste, les dérogations apportées aux textes de fin 2023 ont limité le champ d’action potentiel du réemploi, malgré la levée de boucliers des ONG.

Plusieurs mesures sont donc mises en place pour faciliter le recyclage. En premier lieu, il y a bien sûr l’obligation, à partir de 2030, de ne produire que des emballages recyclables : cet objectif, fixé dès le début des années 2020, est à peu près tenu grâce à un financement massif de la part de l’Union européenne pour la recherche, même si l’on n’atteint pas les 100 % espérés (l’estimation plus juste se situe autour de 89 %).

 
Cela nous permettrait d’avoir des matières recyclées qui sont relativement proches d’une matière pétrosourcée.
 
Christophe Cardi du Groupe Texen

Au début des années 2020, Christophe Cardi du Groupe Texen militait déjà pour le recyclage chimique plutôt que mécanique. Moins de dix ans plus tard, le recyclage chimique est effectivement devenu la norme. Les capsules en aluminium et autres déchets emblématiques (et médiatiques) des années 2000 sont totalement éradiqués, et le plastique PET s’érige en norme. Une majorité d’emballages sont par ailleurs rendus compostables, même si ce point ne concerne que les emballages traditionnellement en papier ou en carton. Mais surtout, les bacs à recycler installés en ville changent de visage à partir de 2033. Dopés par l’intelligence artificielle, ces bacs sont capables d’analyser quel type de déchet on leur présente ; ils orientent le particulier dans un premier temps, mais ils sont aussi en mesure d’effectuer un tri plus précis en interne dans un second temps.

Le recyclage est ainsi prémâché et optimisé. Il élimine également certains problèmes liés à la production des plastiques PET issus du recyclage – problèmes traditionnellement induits par un mauvais tri initial. L’un dans l’autre, il s’agit d’une « version high‑tech » des étiquettes envisagées un temps par Bruxelles. Ce sont d’anciens smartphones dont l’électronique est récupérée pour concevoir ces bacs intelligents : on reste dans un cycle vertueux. Alors que débute 2040, les résultats sont là : les émissions de gaz à effet de serre imputables à la production d’emballages ont retrouvé leur taux du début des années 2010. Si d’autres pistes paraissent désormais envisageables, c’est le recyclage qui semble avoir remporté une bataille décisive.

Sylvain Costechareyre

Sylvain Costechareyre

Directeur Qualité chez TEXEN

Christophe Cardi

Christophe Cardi

Eco-design Engineer chez TEXEN

2040

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