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Packaging responsable

100 % d’emballages recyclés, fin du plastique à usage unique… Les fabricants de packaging ont fort à faire pour modifier leurs pratiques à la lumière des réglementations à venir. Mais quel rôle ces dernières ont-elles réellement ? Peuvent-elles imposer un modèle de conception et d’utilisation ? Réponses de Sébastien Jacques, responsable affaires publiques d’Elipso, l’association professionnelle représentant les fabricants d’emballages plastique, et de Gäelle Pantin-Sohier, professeure des universités en sciences de gestion à l’IAE Angers-université d’Angers et spécialiste de l’acceptabilité de l’innovation dans le secteur alimentaire.

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« Le consommateur doit y trouver son avantage »
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Quelles sont les principales tendances à l’oeuvre dans les réglementations sur les emballages ? Sont-elles en ligne avec les aspirations des citoyens en termes de consommation responsable ?

Sébastien Jacques. Avant de parler de la réglementation à proprement parler, il faut dire que ce qui est intéressant avec notre industrie, c’est qu’elle innove en permanence et qu’elle est constamment en lien avec ses clients pour répondre à leurs besoins. Cela fait quelques années qu’elle a intériorisé les problématiques environnementales. Elle est tout à fait consciente de l’enjeu de la pollution et de la nécessité d’avoir le moins d’impact possible sur l’environnement, que ce soit en limitant les besoins en ressources ou en allant vers la circularité (recyclage ou réemploi) de l’emballage. Les objectifs réglementaires vont dans ce sens et ils sont extrêmement forts. En France, par exemple, la stratégie nationale « 3R » vise notamment une réduction de 20 % de ces emballages et un taux de recyclage de 100 % d’ici 2025. Pour notre filière, ce n’est pas forcément une surprise car nous allons déjà dans cette direction. Dans certains emballages comme les bouteilles en plastique, l’épaisseur a été réduite de quasiment 60 % en dix ans.

Gaëlle Pantin-Sohier. Il y a en effet une forte attente de la part des consommateurs, otamment en ce qui concerne la suppression des suremballages et de tout ce qui semble inutile. Dans certains secteurs, comme la parfumerie, on se demande pour quelle raison on rachète encore un flacon alors que celui-ci peut durer extrêmement longtemps. Thierry Mugler a été précurseur en proposant la recharge pour le parfum dans les années 1990. Dans le secteur alimentaire, c’est un peu plus compliqué d’amener ses propres contenants mais les emballages individuels (pour les biscuits et les bonbons par exemple) et le double emballage qui protège certains produits (comme les céréales emballées dans du plastique puis dans une boîte cartonnée), sont assez rejetés par le grand public. On observe aussi de nouveaux comportements qui émergent spontanément, comme le fait de ramener les sacs en papier sur les marchés, qui sont largement réutilisables.

 
Dans certains emballages comme les bouteilles en plastique, l’épaisseur a été réduite de quasiment 60 % en dix ans.
 
Sébastien Jacques
Quels sont les enjeux économiques et sociétaux de ces réglementations, aussi bien au niveau des industriels que des consommateurs ?

Sébastien Jacques. Elles posent des défis de conception et logistiques assez importants. Pour avoir du 100 % recyclé, il faut faire des emballages 100 % recyclables. Nous appelons pour cela à réduire le nombre de résines utilisées dans les emballages pour faciliter le recyclage, qui n’atteint aujourd’hui que 30 % en ce qui concerne les emballages en plastique. Il y a bien sûr un enjeu logistique sur la collecte de ces déchets que l’on peut améliorer, mais il faut garder en tête que chaque type de plastique nécessite une chaîne de recyclage différente. À ce titre, en France comme dans d’autres pays, certaines mesures gouvernementales sont assez contradictoires, notamment sur le développement du recyclage d’une part et la fin des emballages plastiques à usage unique envisagée en 2040 de l’autre. Il faudrait donc investir dans des usines de recyclage, dans des compétences et dans de nouvelles technologies de recyclage, pour que finalement tout s’arrête dans 18 ans ? Pour les fabricants d’emballages, c’est très compliqué. Pour ma part, je suis convaincu qu’écologie et économie doivent aller de pair, de même que les industriels et les consommateurs ont des intérêts communs.

Gaëlle Pantin-Sohier. Du point de vue des consommateurs, cela semble complètement incohérent d’avoir un packaging qui comporte moins de fioritures mais qui coûte le même prix. Un certain nombre de marques, notamment dans le secteur du gel douche, travaille à diminuer au maximum l’épaisseur des flacons, ce qui n’a pas seulement un impact sur le recyclage des produits en tant que tel mais aussi sur la logistique (comme le packaging est moins lourd, cela coûte moins cher en énergie). Cela a encore plus d’impact lorsque la marque explicite l’impact environnemental qu’entraîne la modification du packaging, par exemple en termes d’empreinte carbone. Modifier ses habitudes, c’est toujours une contrainte. Il faut toujours que le consommateur y voit un avantage. Cela peut aussi être un bénéfice à plus long terme, en se disant qu’il contribue à préserver l’environnement. Le tout est de faciliter ce changement pour lui. Je pense qu’il y a aussi des progrès à faire en fonction des zones géographiques, comme le fait d’encourager le compost – et les emballages en plastique compostables – plutôt en milieu rural que dans les centres-villes.

 
Certaines mesures radicales sont néanmoins nécessaires, sinon les habitudes ne changent pas.
 
Gaëlle Pantin-Sohier
Les réglementations peuvent-elles réussir à transformer les usages des consommateurs ?

Gaëlle Pantin-Sohier. Sur le tri des déchets, les incitations financières (comme la redevance incitative sur les poubelles, calculée en fonction du volume de déchets tout-venant) peuvent être assez efficaces. On pourrait aussi imaginer des avantages pour ceux qui utilisent un bac à compost. Certaines mesures radicales sont néanmoins nécessaires, sinon les habitudes ne changent pas. Le meilleur exemple est sans doute la suppression des sacs en plastique dans les supermarchés : tout le monde disait que ce serait impossible mais on a bien vu que des solutions ont tout de suite été envisagées. On observe néanmoins une petite dérive par rapport à ça, avec les tote bags en coton qui se sont multipliés : au lieu de les réutiliser plusieurs fois, on les cumule et ce n’est pas forcément très bénéfique pour la planète…

Sébastien Jacques. À mon avis, l’information des consommateurs est un levier extrêmement important de modification des comportements. En France, la loi Agec2 met un cadre ambitieux à ce niveau : les emballages de produits couverts par la REP [responsabilité élargie du producteur, incluant les emballages ménagers, ndlr] doivent préciser la teneur en matériaux recyclés, le caractère réemployable, la durabilité… Il faut en parallèle que tout un chacun se pose la question de nos usages. Il y a un changement de paradigme dans le fait de prendre conscience que tout ce que je consomme est une ressource. Même le verre n’est pas une réponse magique : c’est très lourd, ça se casse, le procédé de fabrication est très énergivore… Du côté des fabricants, il faut à chaque fois considérer le type d’emballage et le matériau le plus pertinent à la fois pour le produit et au niveau réglementaire.

 
Il y a un changement de paradigme dans le fait de prendre conscience que tout ce que je consomme est une ressource.
 
Sébastien Jacques
Comment appréhender la conception et la production des emballages alors que les législations diffèrent dans le monde ? L’Europe peut-elle avoir un rôle de leader sur ce sujet ?

Sébastien Jacques. Nous essayons déjà, dans un premier temps, de faire en sorte que la législation soit harmonisée au niveau européen car plus on mutualise les solutions, mieux cela fonctionne. Si chaque pays trie ses déchets différemment, on ne s’y retrouve pas. Mais il faut effectivement se doter en parallèle d’outils internationaux. Il faudrait pouvoir diffuser des solutions qui existent en France, telles que la REP Un grand nombre de pays en est encore très loin, mais il faut y aller parce que cela signifie que le metteur sur le marché paie en partie pour la fin de vie des déchets, et in fine le citoyen aussi. L’espoir est permis : au début de l’année 2022, l’ONU a voté une résolution historique visant à mettre fin à la pollution plastique et à élaborer un accord international juridiquement contraignant d’ici 2024.

Gaëlle PANTIN-SOHIER

Gäelle Pantin-Sohier

Professeur des Universités en sciences de gestion à l’IAE Angers-Université d’Angers et spécialiste de l’acceptabilité de l’innovation dans le secteur alimentaire.

Sebastien Jacques

Sébastien Jacques

Responsable affaires publiques d’Elipso, l’association professionnelle représentant les fabricants d’emballage plastique.

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