Splendeurs et misères de l’emballage
Chacun d’entre nous en manipule une cinquantaine par jour1 et pourtant il n’a jamais été autant critiqué. Ultime avatar de l’économie de libre-service, l’emballage saura-t-il se réinventer à l’aune de la crise écologique et continuer d’évoluer avec son temps, comme il a su le faire pendant des millénaires ?
Difficile d’imaginer un monde dépourvu d’emballages tant ils sont omniprésents dans nos vies… et dans l’histoire de l’humanité.
Les ancêtres des boîtes cartonnées, canettes et autres flacons sophistiqués du 21e siècle servent alors essentiellement à « stocker, protéger et transporter des denrées alimentaires comme l’huile ou le vin ». Il faudra attendre quelques millénaires, soit l’aube du 20e siècle, pour assister à l’avènement du packaging en tant que tel (désignant la partie de l’emballage en contact avec le consommateur final). Un tournant étroitement lié à l’émergence de la « société de libre-service », décrit Benoît Heilbrunn. Devenu le « principal levier d’attraction et de séduction du chaland », le packaging permet rien de moins que « d’enrober le produit d’un imaginaire ». Un boulevard s’ouvre aux commerçants et les innovations se succèdent. Parmi elles, citons le tube de dentifrice, apparu en 1892, qui remplace peu à peu les anciens pots de pâte mentholée, ou encore les canettes métalliques, commercialisées dès 1930 en Allemagne, succédant aux bouteilles en verre.
L’ère de la manipulation ?
« Il est clair que du point de vue du consommateur la fonction marketing et communication a pris le pas sur les fonctions techniques, commente Benoît Heilbrunn. Et c’est bien le drame du packaging : on finit par ne voir en lui qu’une arme de manipulation marchande, alors que ce n’est que l’une de ses fonctions. » Cette critique s’adresse plus particulièrement à l’emballage secondaire (protégeant les emballages primaires en contact avec le produit), parfois jugé excessif.
L’emballage primaire, lui, n’a cessé de se perfectionner pour remplir toujours mieux sa mission de conservation, soit la garantie d’une « constance qualitative des produits tout au long de la chaîne de fabrication-distribution-consommation ». L’expérience utilisateur se peaufine également en permettant une gestuelle optimisée, un dosage exact et la mise à disposition d’applicateurs intégrés et performants. L’emballage a en réalité dépassé sa fonction de protection et de communication pour devenir intelligent et aider le consommateur dans l’utilisation au quotidien du contenant et du contenu. Celui-ci mesure-t-il seulement les progrès techniques et le niveau de complexité requis dans la conception des emballages contemporains ?
Plus récemment, la crise écologique a écorné encore davantage la réputation des emballages, dont on retrouve désormais des traces – en ce qui concerne les microplastiques – jusque dans les fonds océaniques. L’occasion pour le packaging de faire sa mue ? Benoît Heilbrunn reste néanmoins persuadé que « le packaging a de beaux jours devant lui », à condition de « réinvestir les fonctions techniques du pack aux dépens de ses seules fonctions marketing, de sorte que le consommateur achète un produit et non pas un packaging ».
Allègement des matières, impression avec moins de couleurs, suppression des suremballages inutiles, amélioration de la recyclabilité effective des emballages… Sur le plan technique, les fabricants ont du pain sur la planche.
Mais les idées préconçues sur les emballages ont la peau dure. Alors que le plastique est souvent désigné comme l’ennemi public numéro 1, une étude de McKinsey2 révèle que l’impact carbone d’un sac en plastique est 80 % plus faible que celui d’un sac en papier, et l’impact d’un distributeur de savon en plastique 15 % plus faible que celui d’un distributeur en verre. La sensibilisation des pouvoirs publics à l’enjeu écologique, à sa complexité mais aussi la mise garde devant les « fausses bonnes idées » paraissent décisives : à ce titre, la décision prise par le gouvernement français à l’été 2022 de former 25 000 fonctionnaires cadres en plus des équipes ministérielles aux enjeux écologiques semble aller dans le bon sens.
Benoit Heilbrunn
Professeur et maître de conférence à l’ESCP, auteur de « Que sais-je ? (Puf) Le packaging ».
MARKETING
MARKETINGC’est aussi l’imaginaire des consommateurs qu’il faudrait faire évoluer afin de les aider à faire les bons choix. Benoît Heilbrunn conclut alors, non sans malice : « Il existe une technologie très puissante pour transformer les imaginaires, cela s’appelle le marketing… »