Quel mix de matières demain ?
Tout sauf du plastique fossile ! Désireux d’alléger son empreinte écologique, les industriels n’hésitent pas à s’en remettre aux matériaux innovants ou à ressusciter les emballages en papier ou en carton. Des évolutions dont les bénéfices sur l’environnement ne sont pas toujours évidents, et qui posent aussi la question des usages. Alors, de quoi les packagings de demain seront-ils faits ?
Champignons, bambou, noix de coco… Les fabricants d’emballages rivalisent d’inventivité pour accoler à leurs produits une dimension « verte ». Directeur de l’innovation chez Texen, Denis Paccaud met néanmoins en garde contre de possibles « effets d’annonce ». En ce qui concerne le plastique dit « biosourcé », provenant par exemple de la canne à sucre, « au lieu de récupérer le carbone dans le pétrole [le plastique conventionnel est issu du raffinage du pétrole, ndlr], on va le chercher dans les végétaux, ce qui réduit l’impact sur l’effet de serre tant que les végétaux utilisés sont issus de déchets de l’agriculture et que cela n’engendre pas de déforestation supplémentaire ou de compétition avec l’alimentation humaine et animale. Mais la matière obtenue est identique ou quasiment ». Une bouteille en PET (polytéréphtalate d’éthylène) d’origine végétale – à l’image de la PlantBottle de Coca-Cola, issue de la canne à sucre – contribue à la pollution plastique au même titre qu’une bouteille de PET d’origine fossile.
Raison pour laquelle des entreprises comme Shellworks – qui conçoit des matériaux à base de déchets de coquillages – ne négligent pas la fin de vie des emballages, en garantissant leur compostabilité. L’origine des matériaux est également à considérer, car le risque du biosourcé est d’empiéter sur les surfaces agricoles, ou encore d’exercer une pression sur les ressources forestières. « Pour l’instant, précise à ce sujet Denis Paccaud, les seules matières d’origine végétale avec lesquelles nous travaillons sont les plastiques respectant ces valeurs, dont ceux de la start-up finlandaise Sulapac.»
Cet emballement général pour les matériaux« modernes » cohabite avec une autre tendance : le retour en force des matériaux « anciens » comme le bois ou le papier, dont les procédés de fabrication et de recyclage sont depuis longtemps maîtrisés.
Dans le milieu de la cosmétique, observe Denis Paccaud, la principale propriété pour les emballages primaires est de garantir la compatibilité avec le produit et l’étanchéité de l’emballage.
Cela oblige les fabricants à associer au bois ou au papier un matériau en contact avec le produit ayant les propriétés barrières recherchées, tel que des revêtements ou des films plastiques. Ce n’est pas non plus pour faciliter le processus de recyclage car moins il y a de matériaux différents, plus il est réalisable.
Un défi qu’aurait néanmoins réussi à relever la marque de cosmétiques finlandaise Lumene, qui a mis au point avec Sulapac des pots en résine de bois, non pas recyclables mais compostables industriellement et capables d’accueillir une formule à base d’eau. « Une première mondiale », ont annoncé les deux entreprises au printemps 2022, et sans doute l’un des premiers jalons façonnant le mix des matériaux du futur.
Qu’elles datent d’hier ou de demain, tout l’en-jeu pour les alternatives au plastique fossile sera de « les porter au niveau des prestations (durabilité, étanchéité, résistance,…) que les plastiques ont réussi à atteindre », commente Denis Paccaud, et ce sans faire l’impasse sur les attentes des consommateurs. Désireux de remplacer le plastique de ses sachets de salade Les Crudettes par du papier kraft, le fabri-cant d’emballages LSDH en a fait les frais. Moins d’un an après le lancement, rétropédalage : incapables de s’assurer de la fraîcheur des feuilles, les clients auraient boudé le produit, conduisant le packaging à se doter d’une fenêtre transparente en plastique. Résultat : un emballage multimatériaux difficilement recyclable.
L’essor de nouveaux usages tels que la rechargeabilité des produits risque également de faire peser sur les matériaux de nouvelles exigences de robustesse et de durabilité : du bois (non transformé), de l’aluminium, de la céramique… Voilà le type de matériaux qui pourraient avoir la cote dans les années à venir, table Denis Paccaud. L’idée fait son chemin dans le monde de la beauté, que ce soit du côté de la maison de cosmétiques Cha Ling avec ses récipients en porcelaine émaillée faits à la main en France et rechargeables à l’infini, du côté de la marque de maquillage bio et végane ZAO, qui propose des emballages rechargeables en bois de bambou (certifiés par le label Ecocert). Lorsqu’elle se conserve et se réutilise, l’importance de la matière n’en est que plus grande. Non seulement elle doit répondre à l’ensemble des fonctionnalités requises, de l’étanchéité à la décorabilité, mais elle ne peut faire l’impasse sur une analyse complète de son impact environnemental, des émissions de CO2 à la consommation d’eau et à l’utilisation des sols. Un défi de taille pour les scientifiques dans les années et décennies à venir, qui appelle sans doute à expérimenter et déployer tout un éventail de solutions…
Denis Paccaud
Directeur Innovation Texen.
Mix de matières
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