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Le plastique est mort, vive le plastique !

Mécanique, chimique et demain biochimique : les procédés de recyclage du plastique ne cessent de se perfectionner. Une excellente nouvelle pour le secteur de la beauté, dont le niveau d’exigence de pureté des plastiques recyclés est élevé.

Le plastique est mort
Texen
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55 000
tonnes / an...

C’est la quantité d’emballages plastiques consommés chaque année par le secteur des cosmétiques en France, soit 5 % du total des emballages plastiques. Flacons, bouteilles, rouges à lèvres… Les polymères sont partout. Et les entreprises françaises du secteur semblent en avoir pris conscience : en 2021, la Fédération des entreprises de la beauté lançait son « Plastic Act », qui vise notamment le 100 % recyclable.

La Commission européenne, elle, a inclus dans les objectifs de son « pacte vert » une obligation d’incorporer 30 % de recyclé dans les emballages plastiques d’ici à 2030. En la matière, la méthode la plus répandue aujourd’hui est le recyclage mécanique, indique Jean-François Gérard, directeur adjoint à l’Institut de chimie du CNRS et professeur à l’Institut national des sciences appliquées (INSA). « C’est un procédé assez simple qui a été essentiellement développé pour le PET (polyéthylène téréphtalate) », un plastique omniprésent dans les cosmétiques (couvercles, bouteilles, pots…).

 
On le nettoie, on le fond et on le filtre. Cela permet de retrouver ses propriétés initiales, sans dégradation, poursuit le scientifique, à l’inverse d’autres polymères comme le polyéthylène et le polypropylène, qui se dégradent dans le processus.
 
Jean-François Gérard
Recyclé, mais hygiénique, esthétique et écologique

Fort heureusement, une bonne partie du PET provenant de produits certifiés pour le contact alimentaire est clairement identifiées et recyclées dans une filière spécifique qui garantit cette conformité à l’issue du procédé de recyclage mécanique (ce qui n’est pas encore le cas pour le polypropylène ou le polyéthylène, dont la dégradation entraîne la formation de substances nocives).

Cela a permis à Chanel d’opter pour un PET recyclé de qualité alimentaire pour que Texen produise son boîtier XXL de sa collection Les Beiges, et ce sans rogner sur l’esthétique et le standard premium de la maison. La transformation du PET recyclé se trouve en effet complexifiée comme si la matière gardait en mémoire les effets de la première mise en forme et du rebroyage, ce qui nécessite des procédés et des savoir-faire spécifiques pour obtenir une esthétique irréprochable.

Alternative au recyclage mécanique, le recyclage chimique, qui consiste comme l’explique Jean-François Gérard à « couper les polymères en morceaux afin de revenir aux mêmes composants de départ ou à des composants intermédiaires », garantit quant à lui une pureté irréprochable pour tous types de plastiques. Il est cependant réputé énergivore et gourmand en produits chimiques nocifs pour l’environnement. D’où l’engouement encore mitigé de l’industrie cosmétique pour ce procédé de recyclage encore émergent dans l’Hexagone. Il pourrait bien être concurrencé demain par un nouveau procédé : le recyclage enzymatique.

"Pour la première fois, il devient possible de recycler des déchets plastiques en nouvelles matières plastiques, et de le faire sans tri préalable minutieux. "
Emmanuel Ladent
Une nouvelle voie prometteuse

Développée par la biotech française Carbios, cette technologie de biorecyclage a « l’avantage de ne pas utiliser de solvants organiques volatils et de travailler à basse température, ce qui nous permet d’utiliser beaucoup moins d’énergie que le recyclage chimique conventionnel », présente Emmanuel Ladent, son directeur général. Outre son faible impact environnemental, cette entreprise pionnière vante une « pureté du plastique recyclé équivalente à du plastique vierge » et une circularité quasi parfaite, à hauteur de 97 % à l’heure actuelle : ainsi, une tonne de déchets à recycler se transformera en 970 kilos de plastique recyclé.

Et Carbios ne compte pas s’arrêter en si bon chemin puisqu’elle travaille d’ores et déjà sur d’autres polymères pour étendre ses capacités de recyclage. « Carbios se distingue des autres technologies par la grande sélectivité de l’enzyme et sa tolérance vis-à-vis des déchets qu’elle peut recycler. Pour la première fois, il devient possible de recycler des déchets plastiques en nouvelles matières plastiques, et de le faire sans tri préalable minutieux », fait valoir Emmanuel Ladent. Il faudra néanmoins s’armer de patience car l’entreprise vient juste d’annoncer, au début de l’année 2022, l’ouverture de sa première usine. De Pepsi à Nestlé Waters, plusieurs marques se sont déjà placées sur le créneau. Du côté du soin et de la beauté, L’Oréal a notamment révélé, en juin 2021, le « premier flacon cosmétique » issu de ce procédé (assuré par Carbios).

Jean-Francois-GERARD

Jean-François Gérard

Directeur adjoint à l’Institut de chimie du CNRS et professeur à l’Institut national des sciences appliquées (INSA).

Ladent Emmanuel

Emmanuel Ladent

Directeur Général de la biotech française Carbios.

"Better"

"Better"

« Better plastic »

En parallèle de l’émergence de ce recyclage d’un genre nouveau, ces prochaines années verront sans doute aussi s’améliorer les procédés de tri et de séparation grâce à des outils d’intelligence artificielle, reprend Jean-François Gérard. Des travaux sont également menés sur la formulation de nouvelles matières à la recyclabilité améliorée. « Au lieu d’avoir 5 polymères associés et difficilement recyclables, pourrait-on imaginer n’en avoir qu’un seul ? », illustre le chercheur en précisant que ces recherches pourraient prendre plusieurs décennies.
En attendant, l’écoconception semble faire son chemin dans les pratiques, à l’image des tubes monomatières en polyéthylène recyclé de L’Occitane pour sa collection Amande. Entre usage raisonné des matières (les entreprises signataires du « Plastic Act » visent une diminution de 15 % du recours au plastique d’ici à 2025), économies d’énergies fossiles et valorisation des déchets existants, les prémices du recyclage 100 % circulaire nous font entrer dans une nouvelle ère en phase avec les grands enjeux environnementaux de notre siècle : celle du « better » et du « less plastic ».

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